1983-2009 Quand l'histoire se répète

Un article de Chloé Leprince sur Rue 89 m'a amenée à faire quelques recherches. Non pas sur la campagne contre le viol qui en est le sujet principal mais sur une loi antisexiste qui aurait été votée en 1983.

A l'époque, au journal de 20H Yvette Roudy faisait preuve d'un bel optimisme en annonçant que son projet de loi antisexiste ( point par point calqué sur la loi anti raciste de 1972) qui autorisait notamment les poursuites pour toute atteinte à l'image de la femme et de sa dignité aurait un fort effet dissuasif, comme cela avait été le cas pour la loi antiraciste.

Mais que se passa-t-il réellement ?

En réalité cette loi n'a jamais été présentée à l'Assemblée nationale. .

Parceque, cela va vous étonner ,

(je reprends ici le texte de Gisèle Halimi)

" une levée de boucliers d’une extrême violence met les féministes en accusation. Accusations de censure, de puritanisme, de retour à l’ordre moral. Vous l’avez compris, la publicité, principalement, qui entend déployer en toute impunité ses panneaux indignes, a mal au fric. Donc elle se bat, vitupère, diffame, créé un barrage rendu insurmontable par l’adhésion quasi unanime des médias. Tout est bien lié. La ministre des Droits des femmes, dénoncée comme « l’ayatollah Roudy » voudrait instaurer une « police des fantasmes » « tuer l’érotisme ».

(...)

Simone de Beauvoir ne s’y est pas trompée. Elle monte au créneau. Dans son article La femme, la pub et la haine, elle dénonce « cette petite minorité de profiteurs, enragés comme des chiens à qui on menacerait de retirer leur os : ils sont soutenus par de nombreux journaux car ils vivent en grande partie de la publicité ». Elle explique très justement qu’une telle loi accorderait aux femmes qui se sentiraient agressées « un pouvoir de contestation » et non de censure. Et comme en toute démocratie, les juges trancheraient.

La loi antiraciste a proscrit les affiches du Noir débonnaire s’extasiant sur son « Y’a bon Banania ». Pourquoi pas celle de la femme chienne vantant les collants Dim ?

(...)

Le pouvoir politique, toujours masculin à 90%, refuse le débat pour une nouvelle loi antisexiste.(...) Donc après l’enregistrement sous le numéro 1383 à l’Assemblée Nationale du projet de loi antisexiste, il restait à l’inscrire à l’ordre du jour pour qu’il fût débattu et soumis au vote.

Que croyez-vous qu’il arriva ? François Mitterrand torpilla. En catimini, bien sûr. Il fit savoir qu’aucune urgence n’exigeait que les parlementaires s’attelassent à l’œuvre. Qui décide de l’ordre du jour à l’Assemblée Nationale ? La conférence des Présidents. Majorité absolue : celle du gouvernement et de l’Elysée. Donc, en 1983, François Mitterrand parle à François Mitterrand. Et obtient gain de cause. Le projet ne fut donc jamais discuté à l’Assemblée Nationale."

PS : Si quelqu'un dispose de l'article de Simone de Beauvoir (Le monde 4 mai 1983) je suis preneuse..

Commentaires

1. Le 29/05/2009, 00:38 par Romane

Tout s'explique... Merci de tes recherches qui nous éclairent.
Et merci d'avoir mis de la lumière sur le blog "derrière les chiffres".

2. Le 29/05/2009, 06:31 par Angélita

Et cette loi n 'est toujours pas à l'ordre du jour ?
C'est vrai qu'il vaut mieux s'occuper des petits délinquants de 6 ans

3. Le 29/05/2009, 09:05 par JluK

Rien de nouveau sous le soleil, sous les sunligth plus tôt.

Et si l'on profitait du référendum d'initiative populaire pour remettre ce texte à l'ordre du jour ?
Je sais, ce n'est pas gagné, mais si on essayait quand même ?

4. Le 29/05/2009, 14:40 par isabelle

Sûr, il faut remettre cette loi à l'ordre du jour. Mais il faut du courage, de la ténacité, de l'intelligence, de la pédagogie et de la diplomatie. Car entre d'un côté les associations féministes, et, de l'autre, les publicitaires, hommes de médias et législateurs faux cul, c'est le pot de terre contre le pot de fer. Il faudrait constituer un front solide, uni et capable de prendre la parole dans les médias sans être immédiatement déconsidéré. Car il y a pire que le refus pur et simple de légiférer, il y a les stratégies d'intimidation qui consiste à taper fort sur les premières qui avancent l'idée de légiférer contre le sexisme. Référendum d'initiative populaire, c'est une bonne idée à condition de pouvoir vraiment faire de la pédagogie avant. Si non les adversaires d'une telle loi auront vite fait d'anéantir les initiatrices du référendum en stigmatisant les mal-baisées liberticides qui s'opposent aux gentils artistes attachés à la liberté d'expression.

5. Le 29/05/2009, 14:40 par robespierre

Mais sur le clip de C. Morgane (que je ne connaissais pas avant, ni d'Eve ni d'Adam) qu'en pensez vous ? Il y a matière à se creuser les méninges, non ?

6. Le 30/05/2009, 11:48 par jolb56

L' article de Simone de Beauvoir n'existe pas dans les archives numériques du Monde, trop récentes, j'ai donc écrit au Monde pour leur exprimer cette demande. Je te tiens au courant.
Jocelyne

7. Le 30/05/2009, 11:48 par jolb56

L' article de Simone de Beauvoir n'existe pas dans les archives numériques du Monde, trop récentes, j'ai donc écrit au Monde pour leur exprimer cette demande. Je te tiens au courant.
Jocelyne

8. Le 03/06/2009, 00:51 par muse

Bravo pour l'enquête.
La pauvre Yvette Roudy a dû vraiment être déçue. Il y a quelques années, elle avait expliqué qu'étant féministe, elle avait été très mal accueillie au parti socialiste à cause des références machistes de beaucoup de politiques, références venant de Proudhon.
Et que du coup, elle avait été mise un peu sur la touche politiquement.

Maintenant elle est âgée mais je pense qu'elle pourrait peut-être recevoir Olympe et peut-être lui procurer l'article de Simone de Beauvoir.

Elle m'a l'air très gentille et ouverte.
Et sans doute, pourrait-elle aussi donner un avis sur la fameuse pub avec Clara Morgane.

9. Le 13/07/2009, 15:41 par Mickaël

Bonjour,

il me semble pourtant qu'aujourd'hui, le mot manquant dont parle Gisèle Halimi a bien été ajouté à l'article 24 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. »

N'est-ce pas suffisant pour encadrer la liberté d'expression de certains artistes ?

10. Le 22/07/2009, 00:36 par Mickaël

Et bien, non, il s'avère que ce n'est pas suffisant : http://www.maitre-eolas.fr/post/200...