C'est quoi ce bazar ?

femi70.jpgJ'avais suivi qu'il y aurait 2 manifestations féministes samedi à Paris (peut être même 3), mais je n'avais pas toutes les clés pour comprendre en quoi elles se différenciaient.

Chrstine, qui a l'air de connaitre le sujet par coeur, donne des explications très complètes dans un billet intitulé "les vagues du féminisme".

2 manifs donc :

l'une à l'appel du CNDF, Collectif national pour les droits des femmes et l'autre à l'appel d'un rassemblement d'associations

Christine détaille les points sur lesquels ces 2 collectifs ne sont pas d'accord. Chacun d'entre eux intégre ses revendications féministes dans un corpus beaucoup plus large.

Le premier intervient "dans des domaines aussi variés que la réduction du temps de travail, l’égalité professionnelle, le travail de nuit, les équipements collectifs, la famille, le travail domestique, les violences, la lesbophobie, la place des femmes dans la vie publique, la lutte contre le Front National et ses clônes, la lutte contre le sexisme, l’école, la mondialisation libérale, la solidarité internationale, etc..."

Le second parle de voile, de religion, de prostitution, de sexe, d'anarchisme ou de révolution .

au risque de paraitre naïve, et je ne pense pas l'être tant que ça, je ne me retrouve pas du tout dans le second et le premier me parait bien discret. Depuis un an que je blogue sur le sujet c'est la première fois que j'en entends parler.

Pour moi être féministe c'est 3 ou 4 choses simples pour lesquelles il y a encore beaucoup à faire et si des sujets comme le voile ou la prostitution sont d'importance on ne peut pas demander à ce qu'ils soient dans les fondamentaux du féminisme.

  • que les femmes soient respectées et que cessent les violences qui leurs sont faites.
  • que les pouvoirs, tous les pouvoirs, soient partagés entre les hommes et les femmes
  • que les mentalités évoluent pour que ce que font ou disent les femmes n'ait pas moins de valeur que ce que font ou disent les hommes
  • que le corps des femmes ne soit pas considéré comme un objet de consommation
  • que les femmes, et les hommes puissent choisir leur vie (enfants, pas enfants, conciliation vie privée/autonomie financière...).

j'avais signé, il y a très longtemps le manifeste "encore féministe! et, même si je n'en parle pas sur ce blog que j'ai décidé de réserver à la situation en France (parcequ'il est toujours plus facile d'aller chercher la paille dans l'oeil du voisin), je me sens très solidaire des femmes qui vivent en d'autres endroits de la planète des situations de violences extrêmes.

Par contre si le" système d'oppression économico-théologico- patriarcal" est à renverser, ce n'est pas que l'affaire des femmes. Ce combat là n'est pas exclusivement féministe, il est politique et doit être mené avec les hommes qui prennent conscience eux aussi de ce qu'il a de néfaste pour eux.

Commentaires

1. Le 05/03/2009, 10:13 par mebahel

De même, je me reconnais plus dans le CNDF que dans l'autre mouvement issu de l'espèce de scission média initiée par NPNS, puis dans l'autre opérée autour du voile, via LMSI, delphy et le religieux: je suis ok avec toi Olympe: l'oppression du religieux n'est pas que corrélé aux droits des femmes.
Même si le féminisme est clairement, à mon sens, l'affaire de toutes et tous, femmes et hommes.
Enfin l'assoce 'les putes' est majoritairement une assoce de putes meks, je leur dénie donc le droit de parler au nom des femmes, du simple fait qu'être un homme , quand bien même on se prostituerait dans un vêtement ou un corps transformé en femme, c'est toujours être formaté homme (je schématise, j'espère que vous comprendrez):ce qui s'était vu dans leur façon de faire (prendre de l'espace etc).
Après pour leur discours au nom des prostitué-e-s, c'est aux personnes concernées de voir si elles veulent ou non leur en laisser la primauté.
Pour finir, si le CNDF a un fonctionnement pas tout à fait démocratique (encore que.. tout de même, y'a nettement pire, hein, ce sont juste des querelles d'ego quoi), c'est surtout issu de son histoire, il faut que l'ancienne génération passe un peu la main, et surtout j'ai toujours pensé que les syndicats (politiques donc) ne devraient pas faire partie d'un mouvement féministe: le féminisme est transpolitique, bon sang.
Bon, je vais lire chez Christine, qui fait toujours d'excellents posts :-)

2. Le 05/03/2009, 13:50 par Kamizole

Rien de bien nouveau sous le soleil ! Dans les années 70, c'était la même chose, avec d'un côté les très politiques - comme les "pétroleuses" (liées à la LCR) et "psych & Po" (Antoinette Foulque, notamment) qui quelques années plus tard voulurent s'annexer le sigle MLF...

et entre les deux des "groupes femmes" qui n'entendaient pas se faire récupérer par quiconque... et qui étaient des groupes de parole avant de se préoccuper de militantisme (qui n'était pas exclu mais pas forcément sous les formes traditionnelles). Ce fut ma voie à Orléans même si j'étais en relation toujours très amicale avec les copines de Rouge.

On ne peut pas découper les femmes en tronçons, d'un côté le social, la vie affective, l'aliénation par la religion et autres, et tous les grands problèmes sur lesquels nous avons tenté de faire avancer les choses... l'avortement qui a sans doute été le premier fédérateur, le viol, les violences, etc...

3. Le 05/03/2009, 14:02 par mebahel

Heu je précise: à mon avis le mouvement féministe est politique mais ne devrait pas comprendre des partis politiques ou des syndicats en son sein, mais bien aller dans les partis politiques, tous si possible, pour modifier la donne.
Mais en tant que quoi? J'ai pas de réponse.
Un vaste débat est de se poser la question de savoir si le féminisme en tant que tel devrait en être un, de parti.
Et là non plus j'ai pas de réponse.

4. Le 05/03/2009, 14:58 par Elly

«Pour moi être féministe c'est 3 ou 4 choses simples pour lesquelles il y a encore beaucoup à faire et si des sujets comme le voile ou la prostitution sont d'importance on ne peut pas demander à ce qu'ils soient dans les fondamentaux du féminisme.»

Le problème c'est tant ça, que de pouvoir manifester quand on porte le foulard ou quand on est pute sans se faire virer ou prendre à partier comme il me semble que c'est déjà arrivé (en tout cas pour le foulard) dans des manifs précédentes.

(Ou encore de pouvoir manifester quand on est unefemme trans' sans se faire traiter de mecs comme dans le premier commentaire ici...)

Pour moi la journée internationale des femmes c'est la journée internationale de TOUTES les femmes, y compris putes, y compris voilées, y compris trans', etc.

5. Le 05/03/2009, 19:27 par Audrey

D'un côté je suis d'accord avec Olympe: il faut se focaliser sur le général pour ne pas trop diviser le discours féministe et être audible. Par exemple parler de l'arrêt des violences faites à leur encontre seulement.
Il est néanmoins complexe de ne se limiter qu'à cette généralisation car les revendications précises s'insèrent dans le discours général. Re-exemple, le respect des prostituées, qui sont fréquement victimes de violences physiques et morales extrêmes, appartient largement à la catégorie de l'arrêt aux violences faites envers les femmes.
Quand on parle de violence envers les femmes, on pense immédiatement aux violences domestiques, du coup nous aurions tendance à "oublier" les situations minoritaires comme celle des prostituées.

C'est comme cela que les 3 ou 4 choses essentielles deviennent une liste impressionante de points sur lesquels se battre.
Et c'est aux femmes -opinion personnelle- que revient l'importance de clarifier le discours féministe tout en exposant toutes les nuances possibles. Cela aboutirait à l'arrêt de TOUTES sortes de violences faites à TOUTES les femmes (au foyer, prostituées, transgenres ou habitants à l'autre bout du monde).
En résumé, reformuler les 4 points essentiels de sorte qu'ils incluent toutes les situations.

C'est aussi pour cela que ne suis aucunement engagée dans une association: soit le discours est trop ciblé, soit il est trop large. Par exemple une assoc qui manifeste contre violences faites aux femmes mais aussi contre la mondialisation libérale ne me donne pas envie d'adhérer car le discours est trop dispersé. Et une assoc ne militant que pour le droit des prostituées ne m'attire pas non plus car trop ciblée et n'arrivant que très difficilement à m'identifier, je me sens inutile pour aider.

C'est pour cela que le jour où je m'engagerais, cela sera dans une assoc de solidarité et surtout apolitique. Les femmes et les hommes pour l'évolution des droits des femmes qu'elles soient cadres, prostituées, au foyer ou je ne sais quoi.
Et je rejoins valérie sur la question de l'implication masculine: si nous voulons l'égalité, les hommes et leurs droits doivent évoluer aussi. Sur l'implication et la perception de l'implication dans la famille notamment.

6. Le 05/03/2009, 21:18 par olympe

j'étais assez inquiète en postant ce billet. je sais depuis que je blogue qu'il y a plusieurs féminismes et que les dissensions peuvent être importantes.
en vous lisant je suis assez étonnée de voir que je suis d'accord avec- presque - tout. mais je suis aussi confortée dans mon idée, basique je le reconnais, qui dit que si on veut sortir le féminisme de l'ornière (et c'est l'un de mes objectifs) il faut trouver les plus petits dénominateurs communs, ceux avec lesquels tous les gens de bonne volonté seront ok.

Je suis 100% d'accord avec Audrey soit le discours est trop ciblé et la majorité des gens ne se sentent pas concernés soit il est trop large. modifier la situation et la vision de la femme amènerait indubitablement à changer beaucoup de choses dans le société mais le féminisme n'a pas à prendre en charge la révolution. tout comme par exemple les anti colonialistes ne se battent pas pour la révolution, même si ils bougent des lignes importantes.

Valérie effectivement nous ne sommes pas d'accord sur un point important, qui est celui de savoir si le genre est biologique, culturel ou autre chose. moi je me sens femme et différente d'un homme. C'est culturel certes mais c'est aussi biologiquement incontestable pour moi. les gens peuvent s'identifier à ce qu'ils veulent je m'en fiche complètement mais dans une manif qui défend les droits des femmes la participation de minorités TRES visibles (voile, trans etc....) est source de confusion pour le commun des gens et je comprends pourquoi de nombreuses associations préfèrent s'en dissocier.

je suis d'accord avec toi sur le fait que travailler sur la position des hommes est essentiel. je trouve qu'ils sont de plus en plus nombreux à prendre conscience de ce que leurs comportements anodins (couper la parole à une femme par exemple) ont de machistes et aussi de ce que cette obligation d'être toujours forts et d'assurer en toute circonstance à d'aliénant pour eux et c'est bien dommage qu'ils gardent en tête cette image négative d'un féminisme agressif.
J'adore ce que font La Barbe : une démonstration absolument indiscutable avec beaucoup d'humour.

7. Le 05/03/2009, 22:16 par mebahel

@valérie: oh je ne souhaite pas re-naturaliser.. et je suis d'accord aussi sur le fait que la position des hommes est à travailler, que le féminisme inclut largement tout ce qu'il en est de la déstructuration de l'assignation aux rôles de genre.
Il n'empêche que le fait biologique étant celui qui fonde la hiérarchie et toutes les violences qui en découlent (dont celles sur les minorités dont parle Olympe), c'est lui donc qui est mis en avant dans les actions pour les DDF, typiquement autour du 8 mars.

8. Le 06/03/2009, 11:18 par mebahel

Oui cette phrase là "le premier me parait bien discret. Depuis un an que je blogue sur le sujet c'est la première fois que j'en entends parler"m'avait bien étonnée dans un premier temps, vu le boulot et l'étendue du Cndf, puis plus du tout dans un second: en effet, les media se focalisent sur ce qui les arrangent.

9. Le 06/03/2009, 11:39 par Audrey

Dans ce cas, si chaque association de femme est spécialisée pour traiter un problème spécifique, soit. Mais il faut une tribune commune pour être plus visible.
Une tribune qui montrerait que chaque assoc, lorsqu'elles sont enfin réunies et solidaires forment une marée humaine prête à titiller - ou bouffer selon - les auteurs de discriminations envers les femmes. Car j'ai juste l'impression que cette unité est visible seulement le 8 mars et que le reste du temps c'est "chacun pour son objectif".
Par exemple, je trouve l'action de la Barbe symbolique, utile et sympa. Mais pourquoi ce collectif uniquement? Pourquoi pas de collectifs proches en terme d'idéologie venus appuyer l'action de la Barbe, même si cela ne sert qu'à faire acte de présence à l'extérieur du Conseil?
Histoire de démontrer la solidarité inter-association et de rendre la mouvement féministe plus visible.

10. Le 06/03/2009, 20:41 par ali

Les hommes doivent s'impliquer, mais ne pas trop parler, ne pas avoir d'idées personnelles vu qu'ils savent pas de quoi ils parlent...je n'ai jamais compris comment ça pouvait être possible.

(Penser à réviser la théorie selon laquelle les mecs prennent toujours toute la place dans une assemblée, car il y a aussi des femmes qui savent plomber toute possibilité de dialogue en tenant des discours assommants qui ne laissent la place à aucune nuance ou contradiction possible...ça se vérifie pas mal dans le féminisme)

11. Le 06/03/2009, 23:01 par frieda l'écuyère

J'aime pas le 8 mars (et alors pitié, journée DES femmes et pas de la femme, chaque fois que j'entends "journée de la femme", dans ma tête résonne sinistrement "ouais, y'a d'la meuf !"). Le 8 mars me décourage. Depuis des décennies, chaque 8 mars revient, avec son cortège d'urgences à côté duquel l'Himalaya fait figure de crotte de souris, puis chaque 8 mars repart, jusqu'au prochain, et la question des femmes est de nouveau enterrée dans les média pour 364 jours, voire 365 les années bissextiles. J'aime pas le 8 mars et j'ai pas la fibre militante, du tout, j'étais trop petite dans les 70's, je suis sans doute trop marquée par les 80's, trop individualiste, j'ai trop le goût de l'indépendance pour m'engager sous quelque bannière que ce soit ? J'en sais rien, juste je constate, je ne m'accable ni ne me dédouane, en le constatant, et heureusement que d'autres l'ont, sûrement, cette fibre-là. Je suis scotchée par ton comm' Emelire, moi qui ne prête pas mes bras : tu viens d'écrire de façon lumineuse ce dont j'avais conscience sans jamais être parvenue à le formuler : être féministe, c'est en permanence devoir se justifier, comme s'il n'était pas question d'universalité ("ça ne concerne que les femmes", disent certains "beaux esprits" "et encore, même pas toutes, certaines sont très satisfaites de leur statut "d'inférieures"") alors que les hommes eux-mêmes auraient tant à y gagner.
Je ne crois pas que les féministes puissent ne former qu'un seul parti, on peut être féministe et de gauche; féministe et de droite, féministe et anarchiste, le féminisme est aussi multiple que le sont les femmes elles-mêmes, d'où une fois de plus cette idée dans l'esprit de certains que décidément, ce sont bien des femmes, incapables de s'entendre entre elles...
Inscrire "que le corps des femmes ne soit pas considéré comme un objet de consommation" dans les fondamentaux, évidemment. Mais il me semble que cela touche aussi à la question de la prostitution, et à celle du voile. C'est bien parce que ce corps est un objet de consommation qu'il convient de le cacher à qui n'en a pas la jouissance prétendument légitime.

12. Le 07/03/2009, 14:36 par olympe

Emelire et Mebahel merci beaucoup pour toutes ces explications. je suis d'accord avec Audrey pourquoi n'y a t il pas une fédération de tous ces mouvements ? Ok si je comprends bien la fédération c'est le CNDF, mais personne ne sait que ça existe hormis celles qui en sont et bossent
Je sais ce que représente l'investissement dans une assoc ou un mouvement, pour le pratiquer moi meme mais c'est vraiment dommage qu'au niveau du grand public il n'y ait aucune perception d'unité.
ça donne plutôt l'impression de groupuscules qui s'agitent chacun dans leur coin et du coup ça perd beaucoup de force.

Emelire effectivement je reçois souvent des mels sur le thème "vous avez pas honte de vous plaindre alors que les femmes sont lapidées en afghanistan ou excisées en Afrique etc..."

Frieda, il ne s'agit pas de faire un parti, il s'agit , en tout cas c'est ce que j'appelle de mes voeux, de créer un grand mouvement dans lequel toutes les femmes se reconnaitraient. C'est pour ça qu'il faut trouver les thèmes qui nous concernent toutes.

Ali, je sais que tu as un contentieux avec certaines assoc féministes, mais on ne peut pas généraliser à partir de ton seul cas.

13. Le 07/03/2009, 15:34 par ali

Un contentieux personnel ??? Non, je répond à ce qui est dit plus haut au sujet de l'implication des hommes dans le féminisme, et bien pire le mépris insultant affiché pour les transexuel-le-s (et bien sur au delà l'esprit essentialiste qui enferme les femmes dans leur enveloppe sociale de faaames au lieu de les en libérer... ). Et pour finir, des femmes qui prétendent parler au nom de toutes les femmes parce qu'elles sont des faames. Oh que je n'aime pas qu'un homme parle en mon nom parce qu'il à aussi une paire de testicules (j'ai une préférence pour le statut d'être humain)
Je ne vois pas pourquoi ce serai MON cas.
Allez adieu.

14. Le 07/03/2009, 15:38 par floreal

Une fédération de tous les mouvements n'est à mon avis possible que sur les fondamentaux réellement universalistes, à savoir des droits basics, et qui sont très loin d'etre légitimes de par le monde, que sont le droit et le libre accès à la contraception et à l'avortement.

Des thèmes comme la lutte contre les violences masculines, le partage du travail domestique gratuit, seul garant d'un accès au travail et à l'emploi dans des conditions satisfaisantes me paraissent également fédérateurs, basics et fondamentaux.

En dehors de ces thèmes, il me parait impossible de fédérer quoi que ce soit, et les divergences sont inévitables, comme d'ailleurs l'article en fait état.