Allaitement et travail
Par Olympe le 13/12/2010, 16:16 - Lien permanent
Les lectrices qui me lisent depuis longtemps
savent que je ne partage pas du tout l'avis d'Elisabeth Badinter sur
l'allaitement.
Je constate autour de moi c'est que si l'allaitement maternel est effectivement valorisé dans le discours rien n'est mis en place pour aider les mamans et il est en réalité difficile pour beaucoup de réussir sereinement à allaiter de retour à la maison. C'est ce dont témoigne Mère Bordel qui en conclue que nous vivons dans une "Etrange société qui se permet non seulement de juger les choix des uns et des autres, mais en plus de ne jamais en cautionner aucun..."
Quand à poursuivre l'allaitement après la reprise du travail ça reste une originalité pour laquelle rien ou presque n'est prévu. ça fait bien partie pourtant de la conciliation vie privée/vie professionnelle. J'avais publié un billet sur Rue89 l'année dernière.
C'était aussi le thème des Maternelles, Ségolène en parle et met le lien vers l'émission sur son blog.
image sur le site de Mamanana spécialisé en vêtements et matériel allaitement (non sponsorisé)
Commentaires
Tout à fait d'accord sur la schizophrénie ambiante dont mères et enfants sont les premières victimes : dire aux mères d'allaiter quand elles sont enceintes et ensuite faire tout ce qu'il faut pour saborder leurs efforts en ce sens, tant à l'échelle collective (droit du travail insuffisant par exemple) qu'individuelle (personnel médical mal formé). Pour ma part j'ai pu faire le choix d'un congé parental de 6 mois (donc reprise avec un bébé de 8 mois 1/2 bien diversifié), ce qui me permet d'allaiter encore mon petit deuxième de 11 mois, avec une simplicité déroutante : avec maman le sein à volonté (enfin sauf quand maman en a sa claque, comme la nuit...) et sans maman (à la crèche) pas de lait mais des yaourts. Je travaille à 100% avec 2h de transports par jour, j'ai deux jeunes enfants et franchement l'allaitement est plutôt un avantage : effort minimum d'organisation et arme imparable pour calmer un bébé énervé sans trop se fatiguer. Et je claque mes économies en lait infantile dans de jolis habits chez mamanana
Je me demande si on ne mettrais pas inconsciemment des bâtons dans les roues aux femmes qui souhaitent allaiter pour le plaisir des les voir foirer et de les culpabiliser ensuite... Il faudrait allaiter parce que c'est mieux pour le bébé, mais il faut y arriver toute seule sans déranger personne (ah, l'instinct maternel), et que ça n'empêche pas de bosser (déjà qu'on s'absente 4 mois !). Pour être mère, il faudrait tout savoir sans explication, lire dans les pensées de l'enfant, et se consacrer à lui entièrement en sacrifiant sa carrière.
Quand j'ai repris le travail, j'ai donné mon lait à la crèche pour chacun de mes enfants jusqu'à leur un an, et je le tirais sur mon lieu de travail, en fermant la porte à clé pendant 20 mns, puisque j'avais la chance d'avoir un bureau individuel à l'époque. Un de mes souvenir les plus mémorable, c'est quand, répondant au téléphone à un client alors que je tirais mon lait, celui-ci m'a demandé c'était quoi ce bruit d'essuie-glace qu'il entendait en bruit de fond ! J'étais pliée de rire, et pour le coup, ça m'a coupé net ma montée de lait !
J'en garde globalement le souvenir d'une expérience très enrichissante, et j'en profite pour remercier les associations de soutien à l'allaitement telles que LLL, qui font un boulot formidable pour aider les mères dans leurs choix, avec des animatrices qui donnent beaucoup, sans jamais juger. J'ai appris avec ces animatrices, à me faire confiance avant tout, à décider ce qui était bien pour ma famille, et s'il fallait n'en retenir qu'une phrase, ce serait "à chaque famille sa solution".
Pour les aspects plus "juridiques", le code du travail est largement insuffisant et obsolète. Mais il peut servir de base à la discussion, puisque l'Article L1225-30 prévoit que pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d'une heure par jour durant les heures de travail. Je ne pense pas qu'il y ait de la jurisprudence sur la possibilité ou non de convertir cette heure d'allaitement en temps pour tirer son lait, mais à défaut, on le fait et on laisse l'employeur protester dans son coin !
Ce qu'on oublie de dire parce que c'est tabou c'est qu'allaiter au sein est un plaisir d'une sensualité inouïe. Outre que c'est préférable pour l'enfant (qualité et conformité du lait), c'est économiquement imbattable, ergonomiquement incomparable (vitesse et disponibilité) et pour des mères qui vivent leur maternité sans s'encombrer des préconisations contradictoires, un véritable moment de plénitude sauf en cas de fatigue et alors vive le biberon délivrance. J'ai eu deux enfants que j'ai allaités avec plaisir et qui se sont auto sevrés juste quand je ne pouvais plus tout conjuguer boulot et maternité (8 mois et 7 mois) mais je gardais la tétée matinale et vespérale. Ce n'est pas tout ou rien. Le corps s'adapte très bien dès lors qu'on sait ce qu'on veut et pourquoi. Donc arrêter d'écouter qui que ce soit en la matière. S'écouter, soi!
tiens, je me sens de plus en plus d'accord avec Elisabeth Badinter... bientôt, pour bien allaiter (comme de bonnes mères ou de bonnes femelles) on demandera aux femmes de renoncer à :
1. ne pas avoir d'enfants (comme le dit très justement Métayer dans son spectacle "Je suis au top": on met en rivalité les femmes sur ce terrain-là, celle qui n'a pas enfanté n'est pas une "vraie" femme);
2. travailler (puisque ça les empêche d'allaiter bien comme il faut).
3. se percevoir (se réaliser) autrement qu'au travers de la nutrition... la famille, les enfants...
Je ne pensais pas que fin 2010, si on me l'avait dit voici quelques années je ne l'aurais pas cru, j'aurais pu voir de telles photos... vantant le retour au foyer... de la MAMAN.
La plupart du temps les femmes pour s'émanciper ont dû renoncer à enfanter, je crois que ce dont la France avait été préservée par rapport à d'autres pays européens, ne lui sera plus épargné. Il faudra sans doute bientôt aux Françaises comme aux autres femmes de par le monde (sauf les plus riches), je pense à l'Allemagne, à la Suisse, mais aussi au Japon, aux pays du Sud (Italie, Portugal), pour être libre, de ne pas avoir d'enfant.
Ma mère me l'a souvent dit... (est-ce pour cela que je n'ai ni l'un, ni l'autre ?) : pour être libre, n'aie pas d'enfant, ni de mari.
N'étant pas une super woman (je sais bien qu'il y en a !) j'ai trouvé que travailler avec un petit bébé était une expérience éprouvante, que je n'ai d'ailleurs pas eu le courage de renouveler - j'ai pris des congés parentaux pour les suivants -; à voir parfois la tête de zombies de certains collègues (homme ou femme) je ne suis peut être pas la seule ?
Allaiter en travaillant (?) me semble en rajouter un cran dans la difficulté (ça serait pas par exemple plus sympa de passer sa pause à prendre un café en bavardant un peu plutôt que de se tortiller inconfortablement dans les toilettes ?!?); il me semble qu'on glisse imperceptiblement dans le registre du "masochisme" féminin dénoncé à une époque par certaines féministes.
Face à ce nouveau modèle, est ce qu'on va encore s'autoriser à sevrer bébé avant la reprise du travail sans culpabiliser ??
J'en arriverais presque à tomber d'accord avec E Badinter.
Lucia, tu l'as lu le billet ou quoi. Il s'agit justement de continuer à travailler . en ce qui me concerne la seule injonction que m'ait donné ma mère sur ce sujet c'est "soit indépendante financièrement" pour le reste j'ai eu le choix.
Nathalie, mais il y a des furies (et j'en étais) qui veulent tout. et pour l'instant c'est plutôt des batons dans les roues qu'on leur met.
oui, j'ai lu le billet... tu nous dis "continuer à allaiter après la reprise du travail" : voilà le bonheur des femmes ! (je simplifie, ok, mais c'est bien ça qu'on peut en déduire). Non, le bonheur des femmes ne passe pas nécessairement par l'allaitement, ni par les enfants. Etre indépendante financièrement, beaucoup de femmes qui vont renoncer à leur emploi pour allaiter "correctement"... vont la perdre leur indépendance.
Olympe, tu ne devrais pas voir le monde seulement par ta réalité : tu es cadre sup, ton pouvoir d'achat n'est pas celui de la plupart des femmes. Je pense qu'à l'avenir, et pour la première fois depuis fort longtemps en France, on devra choisir entre avoir un enfant et travailler.
Ca ne me semble pas être un progrès, et ça me semble être dû, en partie, à cette idéalisation (quelle photo !!!) de l'allaitement : la femme, la nouvelle vache à lait...
Merci Olympe d'avoir si bien compris ! Oui, moi aussi je suis une "furie" et je voulais (je veux) tout: une belle carrière, des allaitements longs, bref vivre ma vie pro et ma vie perso comme je l’entendais, sans avoir à choisir entre deux clichés (la wonder woman qui biberonne et la maman au foyer qui donne la tétée.) Et je suis loin d’être la seule – et non, ce n’est pas juste un MPR (Méga Problème de Riche.) Je connais des femmes dans tous les métiers (professeur des écoles, VRP, boulangère, avocate, etc.) qui ont voulu concilier les deux, et le font au quotidien. Quand on signe la case « j’ai un boulot », on n’est pas obligée de signer la case « je sèvre plus tôt que je ne l’aurais voulu ».
Merci Denis pour ces compliments, n'en jetez plus...
@Lucia mel, ce qui empêche vraiment les femmes de travailler (et notamment celles qui ne sont pas cadres sup comme ce n'est pas l'"injonction" d'allaiter c'est le manque de places en garde abordables (il me semble qu'1/3 des congés parentaux est pris parce que pas d'autre alternative). Par ailleurs il y a aussi une diversité de situations : personnellement j'ai pris une prolongation de 6 mois, en congé parental, c'est une pause qui ne me met pas à jamais en situation de dépendance de mon mari ! On fait une opposition manichéenne entre travailler et ne pas travailler, mais c'est différent d'être en pause quelques mois-1 an d'un boulot qui doit vous reprendre derrière ou de sortir du monde du travail pendant des années. Comme je l'ai dit plus haut, si on reprend entre les 6 et 12 mois du bébé concilier allaitement et travail peut être vraiment simple, pas besoin de tirer de lait (et on garde l'argent durement gagné pour autre chose que du lait en boîte...). Je ne dis pas que cette solution convient à tout le monde mais qu'elle a le mérite d'exister !
Je débarque sur le blog (via le "elle" que je viens de recevoir) et dans la discussion juste pour faire part de ma toute petite expérience personnelle, qui n'a pas à être érigée en modèle, ni à être dénigrée mais qui peut illustrer le sujet.
J'ai deux enfants, je suis salariée, j'ai repris mon travail à chaque fois à alors que mes filles avaient trois mois et j'ai continué à allaiter. La photo est tout a fait représentative de mes pauses déjeuner puisque j'utilisais le même matériel qui me fut fort utile.
Les débuts de l'allaitement furent compliqués mais pas sa poursuite même une fois le boulot repris et la séparation avec l'enfant m'a ainsi semblé beaucoup plus progressive.
Cela ne m'a pas rendu dépendante financièrement de mon conjoint et ne m'a pas empêchée de travailler.
J'attends le troisième et j'ai hâte de ressortir mon tire-lait
Comme je le disais quand Badinter faisait sa promo : "Je crois que le féminisme français se trompe encore une fois d'ennemi. L'ennemi n'est pas le sein ou la couche lavable ou le balai, l'ami n'est pas le biberon ou la couche jetable ou l'aspirateur. L'ennemi, c'est le machisme. L'ami, c'est l'homme d'aujourd'hui, qui sait que s'il ne peut pas allaiter, il peut donner le bain ou changer la couche (lavable ? pourquoi pas). L'ami, c'est l'homme d'aujourd'hui, qui partage le congé parental avec sa compagne. L'ami, c'est l'homme d'aujourd'hui qui aménage ses horaires pour que la logistique enfantine ne soit plus que l'affaire de la mère." Ne nous trompons pas d'ennemi, les filles...
http://duchessedorleans.hautetfort....
Lucia mel, en l'occurence le pouvoir d'achat n'etait pas déterminant, plutôt le fait que le père était très disponible et que j'habitais à 10mn de mon travail donc pas de pertes de temps dans les transports. et aussi que je pouvais organiser mes horaires
pour ce qui est du bonheur des femmes, le tien ne passe pas par l'allaitement Ok, pour moi c'était important . on n'est pas obligée d'être pareilles
Géraldine, ah enfin ! je me demandais si le ELLE m'apportais des visites
Emelire, ben justement. on peut s'organiser pour faire ce qu'on veut
Duchesse d'orléans, oui parlons de parentalité.
Lucia Mel, il me semble qu'il y a deux débats, ici, bien distinct : 1/ être mère est-ce obligatoire pour être une vraie femme, 2/ allaitement et travail.
Celles qui sont dans le débat numéro 2 ne se posent plus la question numéro 1, il me semble y voir un fossé, et qu'on tombe dans du socio-pratique, et moins de l'idéolo-philosophique
Je précise ceci car j'ai senti ce passage :
l'univers numéro 2 n'est pas "agressif" envers l'univers numéro 1. Il s'agit de
trouver des solutions concrètes, et juste, la tête dans le guidon.
Je n'ai pas l'impression d'être très clair, désolé !
J'ai eu l'immense chance de travailler chez moi, à mon compte et donc de pouvoir continuer à allaiter sans me poser aucune question, jusqu'à ses 13 mois. Cet allaitement a été tout pour moi. J'ai pu faire le lien avec mon bébé (hospitalisé en réa à la naissance) et on a construit une magnifique relation comme ça. Je ne sais pas ce qu'il en aurait été sans ça. J'aurai énormément souffert de ne pas pouvoir continuer à l'allaiter.
Mais dans la plupart des cas, la société nous impose de choisir entre travail et enfant, et c'est terrible. Comment on fait quand on a beosin des deux pour s'épanouir ?
Je n'ai pas le temps de lire les derniers messages, mais
@ lucia mel: je suis au SMIC, a 80% pour etre un max avec ma fille: allaiter me permet d'apporter la qualité de ce temps; je suis AVEC ma fille, et pas en train de lui préparer un biberon, de le laver, le rechauffer, le mesurer...
Et j'économise (petit salaire, donc, et a mi temps en plus) 1 a 2 SMIC de lait artificiel sur l'année.
Certes, il y a du matériel; soutien gorge d'allaitement et tire lait (mais les 2 ne sont pas obligatoire) mais je n'ai eu ni eau minérale, ni biberon, ni chauffe biberon, ni tout ces trucs a acheté EN PLUS du lait artificiel (qui, je repete représente 1 a 2 SMIC sur l'année!).
Je suis radine, fainéante et donc, j'allaite.
et quand meme altruiste; je donne au lactarium. (parce que RIEN ne remplace le lait maternel! autant pour les préma, que pour les bébés a problemes rénaux et/ou digestifs. Alors, le meilleur étant a dispo, autant qu'il profite aussi a mon bébé)