Ce que m'apprend l'affaire Orelsan
Par Olympe le 06/04/2009, 22:06 - Lien permanent
Cette histoire a pris des proportions telles que je ne voyais plus l'intérêt d'en parler. Mais je viens d'apprendre que ce grand artiste se produira bien au Printemps de Bourges au motif qu'en le déprogrammant , le Printemps de Bourges "ferait un acte de censure et de sanction vis-à-vis d'un artiste, qui plus est pour des actes ou textes qui sont étrangers au festival".
Cela m'incite à revenir sur cet évènement instructif à bien des égards.
Pour un historique précis vous pouvez vous référer aux blogs d'Emelire ou Kokolat qui suivent ce sujet au jour le jour et recommandent les actions à mener.
Je pense que c'est désormais à la justice de se prononcer et je souscris à ce qu'en dit Isabelle Alonso sur son blog "Une fois encore, certain-e-s ont l’indignation sélective. Soit l’incitation à la haine n’existe pas, et il faut abroger tous les textes de loi qui y font allusion. Soit elle s’applique aussi pour les femmes qui sont, au cas où d’aucuns persisteraient à faire semblant de l’ignorer, l’objet d’une violence quotidienne et gravissime. Le reste n’est que gesticulation."
Ce que j'ai appris :
La puissance et la fulgurance d'un buzz
J'espère qu'Alain Minc a suivi, lui qui se demande en quoi des blogueurs qui n'ont même pas plusieurs milliers de visiteurs par jour peuvent avoir de l'influence.
Intéressant de comprendre comment une poignée de blogueuses, dont le poids cumulé doit être inférieur à 5 000 visites quotidiennes ont réussi à faire réagir les médias, puis les associations, puis des ministres, une assemblée régionale pour que finalement le sujet soit abordé à l'assemblée nationale.
Orelsan a accusé "l'association des blogueuses", preuve qu'il ne connait pas grand chose au fonctionnement de la blogosphère. D'association de blogueuses il n'y a pas eu. De buzz oui par contre. L'affaire semble être partie de Kokolat qui en parlait dès le début du mois sur son blog. Quand j'en ai eu connaissance, via le blog d'Emelire elle avait déja été reprise par une dizaine de blogueuses et à continué à l'être dans les 2 jours qui ont suivi. La plupart de ces femmes ne sont pas comme moi des féministes hystériques, mais elles ont été suffisamment touchées pour reprendre l'info sur leurs blogs, blogs qui pour la plupart n'évoquent habituellement pas des sujets politiques. Les commentaires sous ces billets étaient (et sont toujours) nombreux et montraient que les lectrices (essentiellement) étaient décidées à écrire aux différentes adresses citées.
Les tergiversations du gouvernement
Très rapidement plusieurs ministres se sont exprimées pour dénoncer cette chanson, demandant à ce qu'elle soit enlevée des plate-forme youtube et dailymotion (avec un succès limité puisque ces vidéos ont seulement vu leur accès limité pour les mineurs) et en appelant à la responsabilité des organisateurs du festival de Bourges.
Valérie Létard à l'Assemblée nationale a déclaré qu'elle demandait à la justice d'instruire cette affaire et d'examiner dans quelles conditions des suites judiciaires pouvaient être engagées dans ce dossier. L'objectif étant de réunir tous les éléments permettant de saisir le procureur. Mais si je comprends bien ses propos il s'agit d'obliger les plate forme internet à enlever ces vidéos.
Elle a par ailleurs déclaré qu'elle soutenait l’initiative des associations ayant fait savoir qu’elles souhaitaient se constituer partie civile et porter plainte contre le rappeur.
Rien de plus pour l'instant de la part du gouvernement et de la justice, pourtant les campagnes contre la violence faite aux femmes ont été déclarées d'intérêt général pour 2009 par le premier ministre
On a aussi entendu le silence assourdissant de la Halde.
Les femmes sacrifiées sur l'autel de la liberté d'expression
Là on a tout lu. J'ai été sensible à ce texte de Sylvie Tissot et Christine Delphy mais que je sache Orelsan est normand de parents enseignants et ce n'est pas parceque le rap est une musique des banlieues qu'il faut l'absoudre de tout. Ce serait comme défendre l'excision ou la lapidation des femmes adultères au motif qu'il s'agit de pratiques culturelles ancestrales. Et si personne n'a rien dit contre Sardou qui chantait "J’ai envie de violer des femmes, De les forcer à m’admirer" ou Johny "je l'aimais tellement que l'ai tuée " c'est que l'époque n'était pas la même, la violence contre les femmes n'était pas une cause nationale et dans les cafés on pouvait lire (les plus de 20 ans s'en souviennent certainement) sur une assiette accrochée au mur "bat ta femme tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi elle le sait ".
On nous reproche de n'avoir jamais dénoncé d'autres chanteurs (je n'ose pas dire artistes) comme Didier Super dont la bonne blague ne me fait pas vraiment rire ou TTC que je ne connais même pas. Effectivement il y aurait beaucoup à faire, mais les blogueuses seraient-elles chargées de faire respecter la loi dans ce pays ? Les associations qui défendent les femmes doivent-elles s'ériger en observatrices attentives et lancer des campagnes d'alerte chaque fois qu'une saloperie est mise sur youtube ? Mais ces chansons; des producteurs, des maisons de disques les vendent (voir à ce sujet le petit billet d'humeur d'Eric Dupin ), des festivals, des radios les diffusent. Personne ne les écoute avant ? Personne n'est choqué ? C'est en cela que l'on se rend compte que la violence contre les femmes reste un phénomène bien banal et encore bien accepté par la société.
On nous reproche de vouloir tuer la liberté d'expression. Ecran un site de libération trouve malin de lister 6 chansons qui devraient être interdites (à cause de nous?). Je vous laisse juge, mais je trouve tout à fait malhonnête d'appeler Brassens à la rescousse. D'une part on ne fait pas parler les morts, d'autre part j'imagine mal Brassens reprendre en refrain "Sale pute, sale pute.....", enfin parce qu'il avait une autre conception des relations hommes/femmes et ne considérait pas qu'une femme puisse être sa propriété.
Orelsan s'est fendu de quelques explications sur une pitoyable vidéo ou il évoque un complot politique. On chercherait à faire de lui un bouc émissaire dans le seul but de tuer la liberté sur internet. Il a même menacé de porter plainte contre ceux(celles) qui appelleraient à le boycotter (girlcotter plutôt). Il faut dire que certains médias lui tendent complaisamment leurs micros.
Cette affaire est en train de prendre un tour exemplaire. On va savoir si ce pays est VRAIMENT décidé à lutter contre les violences faites aux femmes ou s'il va encore tolérer qu'on fasse de la description la plus abjecte de ce qu'un homme trompé peut faire à une femme une oeuvre d'art. Si les médias vont continuer à traiter Orelsan en artiste et l'argent public à financer ses prestations.
Et tout simplement si les insultes sexistes et incitations à la haine sont légales lorsqu'elles visent les femmes. Le ministère le rappelle pourtant sur son site "En France, l’article 24 de la loi de la presse de 1881 prévoit que toute incrimination de provocation à commettre un crime (viol ou meurtre) ou une atteinte à l’intégrité de la personne ou une agression sexuelle par tous moyens de diffusion est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende"
voir aussi le billet de Christine, celui de Kokolat qui donne le texte d'autres chansons d'Orelsan tout aussi artistiques et qui elles figurent sur son album ou celui de du rose dans le gris
Commentaires
Sur le site des chiennes de garde :
http://chiennesdegarde.com/ActionMa...
MOI, J’SUIS CAP’ !
Réponse de la rappeuse au rappeur
Regard’-moi dans les yeux, Orelsan, et fil’ doux !
Tu te crois tout permis, les insult’ et les coups.
T’es pas à la hauteur, arrête tes délires !
Ma patience est à bout, prépare-toi au pire !
Les p’tits mecs dans ton genre, je n’en fais qu’une bouchée.
Ton « Sale pute ! », dans la gorge je vais te l’faire rentrer.
Parc’que tu chantes à Bourges, tu te la pètes grave,
toi, banal en images, et nul en orthographe !
Cogner, violer, casser, tabasser, massacrer,
les filles dans ta tête, le français sur l’papier,
tu te la joues rebelle, et tu t’crois très méchant.
T’as la haine, que tu dis, ça remplace pas l’talent.
Faut t’y faire, Orelsan, j’embrasse qui je veux,
et la rue est à moi, je n’ai pas froid aux yeux.
T’aurais pas dû m’chercher, j’vais l’crier sur les toits,
te mettr’ la honte à donf jusque devant chez toi,
ça s’ra sur Internet, ça f’ra l’tour des radios,
que t’es qu’un bandemou, un ringard de macho.
T’as dit ‘’t’es différente des meufs que j’ai connues’’.
C’était quand tu m’draguais, mais t’as encore rien vu.
Rien à fout’ de ta haine, elle va direct poubelle.
J’vais pas m’laisser salir par un p’tit vermicelle.
Si tu baises comme t’écris, y a pas d’quoi la ram’ner :
les paroles de ton rap, c’est du sous-Dieudonné !
À force de dire ‘’t’es bonne’’, de te prendr’ pour le pape,
t’as oublié que j’suis meilleure que toi en rap.
J’appelle les copines : « Féministes, wesh ! yo ! »
J’en ai soupé, d’ta haine, je sors mon grand couteau,
l’ail et les p’tits oignons, j’émince et j’fais chauffer.
T’as assez dégueulé, maintenant tu vas t’calmer.
Les filles, finissons-en avec ces p’tits couillons !
Ils étaient forts tant que nous n’osions pas dire NON.
Orelsan, baisse ton froc, je saliv’ déjà trop.
Chiennes de garde, foncez, et en avant les crocs !
Aux défenseures des femmes les oreilles et la queue,
les couilles à l’offensée, et des excuses je veux.
Signé : Pitbulle, espoir de la chanson française
« Agressive, moi ? Mais c’est une berceuse ! »
Une femme a été battue par son mari tous les jours pendant plus de 30 ans. Elle n'a pas été avortée à l'opinel, mais juste à coup de pieds dans le ventre. Cette femme, c'est ma belle-mère. L'assassin, le grand-père de mes enfants. Voilà pourquoi je suis une féministe particulièrement hystérique et que je fais partie de ses "bien pensants" moqués par le Printemps de Bourges... et que je recommence mes courriers.
Je ne comprends pas bien le problème avec les hébergeurs de vidéos comme Youtube et Dailymotion car ils retirent déjà des vidéos quand les auteurs s'opposent à leur diffusion ; de plus il y a un bouton "signaler cette vidéo" ce qui suppose des personnes en back office pour vérifier la conformité des vidéos à la loi...
Tout à fait d'accord avec toi Olympe : "ce n'est pas parce que le rap est une musique des banlieues qu'il faut l'absoudre de tout."
Sinon comme le signale Alonso, on est dans le 2 poids 2 mesures...
J'ai relayé la pétition sur mon blog... modestement !
"Enfin sur Brassens. Brassens n'était evidemment pas exempt d'une certaine misoginie ; c'était aussi un homme de son époque. Comme Ferré par exemple."
En effet: lors de la fameuse émission brassens-brel-ferré, brassens était clairement le moins miso des 3, à la question concernant 'la' femme, disant qu'une femme lui plaisait ou pas, en clair qu'il n'avait pas de préjugé global sur les femmes.
Par rapport aux 2 autres c'était assez énorme.
En fait tonton georges était un anarlibertaire, plus en paix avec lui même et les autres qu'on ne le pense, sauf face à la camarde.
Pour connaître par coeur son œuvre, je refuse qu'on assimile brassens à un misogyne autre que patriarcal tel que son époque le lui faisait vivre, et encore, moins que d'autres.
Nanmais.
Et merci val pour les précisions légalo-techniques au sujet de YT et DL
Enfin, après avoir douté un tantisoit au début sur ce qu'il en est de la censure et ses risques, je suis finalement contente de tout ce qu'il se passe.
Pourvu que ça ait un effet sur *tous* les sexistes, artistes ou non...
@ valérie : "le droit d'auteur reste, pour ce genre de sites, bcq plus importants que le reste."
Là d'accord. Voilà la vraie raison.
l'association des blogueuses...
Et c'est quoi son association à lui, des petits cons inconscients ?
Non mais je crois rêver là. Vous vous rendez compte jusqu'où vous allez ? Pour une chanson ? C'est quoi votre problème ? Vous n'avez jamais vu Orange mécanique ? Et c'est arrivé près de chez vous ? Vous avez déja lu du Baudelaire ?
J'hallucine de voir que toutes les blogueuses en question se veulent féministes mais finalement se montrent incapables de réfléchir deux secondes. Elles préfèrent réagir sur le moment et prendre les choses au premier degrès. Vous savez qu'il y a und différence entre un récit et une action ? Vous n'avez jamais eu de pulsions vous mêmes ?
Et si il avait raconté la même histoire avec son meilleur ami qui l'aurait trahi par exemple ? Vous auriez réagi de cette manière ?
Je pense vraiment que votre groupuscule ( puisque le mot association vous choque ) est indigne d'une femme du monde d'aujourd'hui qui se doit de savoir utiliser son cerveau à bon escient plutôt que de sortir des inepties, en rapprochant ces chansons du combat pour les femmes battues. C'est faire du sensationnalisme. C'est surfer sur la vague de l'émotion pour rameuter un maximum de gens.
Pourquoi ne pas avoir appelé la maison de disque ou orelsan directement pour avoir le fin mot de l'histoire ? Noon vaut mieux faire un buzz inutile et grotesque.
Les femmes sont sacrifiées partout. Elles le sont au nom de la liberté d'expression, elles le sont au nom du multiculturalise et du relativisme culturel.
Elles le sont à ce festival de Bourges, elles le seront à Genève pour Durban II.
Mais beaucoup, parmi celles qui s'indignent pour Bourges, ne moufteront pas pour Genève fin avril. Il se trouvera même de bonnes âmes pour brâmer que c'est for-mi-da-ble et que ça fait avancer les choses.
Dans "il faut savoir", AZNAVOUR déclare " il faut savoir retenir les cris de haine qui sont les derniers mots d'amour".
Orelsan ne possède pas le talent du grand Charles et lui ne sait pas retenir ces cris de haine.
Les paroles de sa chanson sont monstrueuses, à vomir.
Olympe continue ton combat.
Je me déconnecte deux jours et j'ai du rattrapage à faire
Concernant
l'audience des blogs, je pense que tu la minimises en parlant de 5000 visites
cumulées (Caro, de Pensées de ronde, a par exemple relayé, et il me semble que
son audience est loin d'être négligeable, Caro, si tu passes par ici...). Cela
étant, l'audience des blogs, même les plus lus, reste dérisoire par rapport à
la presse, ce qui montre une fois de plus que les blogs changent la donne et
qu'il n'est pas besoin d'être très lu pour avoir de "l'influence".
Concernant Orelsan, l'ensemble de son oeuvre est si pitoyable, sur la forme - pour ne pas parler du fond - que je ne comprends pas, depuis le début, comment une partie de la critique musicale a pu saluer son prétendu talent.
C'est pas Bertrand Cantat qui aurait osé écrire un texte aussi misogyne....
Emelire, toi qui suis ça de près, sais tu ce qui est prévu ? des associations vont elles porter plaintes ? une manif à Bourges ?
Frieda , je sais que Caro a beaucoup de visiteurs et d'autres aussi. J'ai écris 5 000 en pensant à Minc, voir billets plus bas.
Alexa , t'es sa mère ?
@ Valérie [crepegeorgette de 09h51 mardi],
• outre tes arguments juridiques et de tenter de savoir qui de la poule ou de l'œuf à un mois de la sortie d'un disque, je me permets de faire une remarque. je suis par essence assez curieux. lorsque je fais une découverte, par hasard ou "sous influence", je souhaite approfondir. j'avais une fois, voici fort longtemps (je ne saurais dire quand, mais peut-être bien en 2007 à sa sortie) tenté d'écouter Orelsan; outre la brutalité des propos (mais après tout, il est loin d'être le seul, chaque "artiste" ayant sa/ses tête-s- de turc), je n'avais pas trouvé d'âme et n'avais pas apprécié le "son".
POINT BARRE
par la suite, je suis tombé sur une interview, cette fameuse où il disait avoir douze ans (ou 12,5 ?) d'âge mental. j'avais oublié ce qu'il faisait. j'ai cherché quelques titres au hasard et, au bout de quelques seconde de chaque, ai pensé que je perdais mon temps.
alors, lorsque, plus d'un an après, je me suis aperçu que MG Buffet et V Létard demandaient sa tête, je me suis dit : « qu'a-t-il bien pu faire ? ». deux ou trois jours plus tard, j'apprenais qu'il devait sortir un disque.
et si la "torpille" venait de lui, de son producteur, ou de ses proches ? ce mec était si peu connu, et maintenant on ne parle que de lui !
@ Olympe,
• hello ! j'adhère a ce qu'écrit frieda l'écuyère. je ne connais pas les blogues dont elle parle, mais il convient de raisonner en audience cumulée et aussi en "espoir" de la part des lecteurs(trices… mesdames) de trouver quelque chose. depuis juin 2008, j'accuse une nette baisse et ne dépasse plus les mille visites/jour, avec fort souvent 600 environ. j'ai néanmoins remarqué une chose : les jours où j'ai le plus d'audience ne sont pas les jours où je balance un titre choc ou le (gros) mot "Sarkozy"… NON ! c'est généralement deux ou trois jours après que j'aie sorti un sujet que personne n'a traité. Par exemple, ces derniers temps l'enterrement définitif de l'affaire Léger c/ France, traité avec la nièce du demandeur, et dont seuls France Info et L'Express ont vaguement parlé, avant que le jugement ne soit disponible, ou les dix milliard d'euros injectés dans l'industrie française de l'armement, par exemple, l'accident de l'avion présidentiel m'ayant peu "rapporté", comme les biberons et Bachelot, bien que j'aie traité ces infos différemment…
tes 5 000, donc, me paraissent peanuts !
bizzzzzzzz ¡
Je suis l'une des modestes blogueuses qui ont relayé l'affaire Orelsan sur leurs blogs.
J'adore la réponse de Pittbulle !
olé! chiennes de garde...et bravo pour ce billet!
Cette chanson est certainement de très mauvais goût. Et en fait, j'ai eu du mal à l'écouter jusqu'à la fin tellement sa violence m'écoeurait. Mais "incitation à la haine", ça me semble hors-sujet. Incitation à la haine des femmes, ça aurait été de dire: "la femme est par essence un être qui mérite de subir la violence des hommes", propos qui n'est en aucun cas présent dans les paroles d'Orelsan. Je ne souhaite qu'une chose: qu'Orelsan soit jugé pour ce motif, procès qui aboutira inévitablement à un acquittement. Peut-être qu'ensuite on prendra enfin le temps d'écouter les autres chansons d'Orelsan, et qu'on s'apercevra qu'il y avait bien longtemps qu'un chanteur n'avait pas décrit avec autant de pertinence la réalité de la vie des jeunes de ce pays.
Voici la lettre que j'ai écrite à Monsieur ORELSAN sur mon blog (http://sosmaman.20minutes-blogs.fr), catégorie "c'est tous les jours Fête pour la femme" :
OBJET : Monsieur ORELSAN, si vous lisez cette lettre, je vous demande d’écouter ma demande : celle de retirer définitivement cette chanson d’internet et de tout lieu.
Monsieur Orelsan,
Vous avez écrit une chanson intitulée “Sale pute” mettant en scène, en paroles et en clip, un homme trompé par son amie.
Cet homme souffre et vous le faites parler à travers votre chanson. Vous exprimez sa haine et sa colère dans des termes très choquants.
Cet homme souhaite de la violence à cette femme. Il souhaite la mort de son enfant. “J’veux que tu tombes enceinte et que tu perdes l’enfant”... sont ses paroles. “Si j’te casse un bras, considère qu’on s’est quitté en bons termes”.
Je vous ai entendu vous exprimer et vous défendre à la radio... depuis le tollé général soulevé par votre chanson.
Vous avez dit : “Je n’ai jamais frappé personne. Cela m’embête d’avoir à m’expliquer sur le fait d’avoir écrit cette chanson, d’autant plus qu’elle n’est pas sur mon album.”
Pourtant, cette chanson est visible sur internet depuis deux ans. La création voyage, la création entre dans les têtes, imbibent les esprits, façonnent les jeunes et les moins jeunes, perturbent les plus fragiles.
Pour la liberté de créer, on ne peut tout accepter et surtout pas l’incitation à la haine, surtout pas la violence toute nue, surtout pas... quand on sait qu’en France et dans le monde, des femmes meurent chaque mois d’avoir voulu quitter leur mari, leur compagnon. Parfois même, les hommes tuent les enfants du couple, par vengeance, cette vengeance dont vous parlez tant dans votre chanson.
Il y a quelques mois, un homme a découpé sa compagne en envoyant son tronc flotter sur une rivière dans une valise. C’était le 10 juin 2008. On a retrouvé la tête de cette femme plus tard. Pourquoi a-t-il fait cela ? “Parce qu’elle voulait me quitter”, a-t-il avoué.
Le 1er novembre 2008, à Bègles en Gironde, nous apprenions qu’un homme avait tué sa femme de plusieurs coups de couteaux car il n’a pas supporté la séparation après des années de mariage, la supprimant de la surface de la Terre comme si sa femme était son objet.
Le 26 juillet 2008 à Francheville, un homme a tué sa femme et ses deux enfants de 11 et 13 ans. Pascal Peillon n’avait pas supporté l’IDÉE d’une séparation avec sa femme Jacqueline, 38 ans. Il a étouffé ses fils avec un sac plastique, avant de mettre le feu à la maison, un feu qui a eu d’abord l’apparence d’une accident mais qui s’est révélé être un triple meurtre.
Je peux vous citer des dizaines et des dizaines d’histoires de ce type. L’histoire se répète sans cesse. Même dans le département de l’Isère où j’habite. Trois enfants sont morts dans un village. Tués par leur père. La mère a pu s’enfuir. Fantôme survivante d’un drame horrible de la séparation. Celle qu’elle souhaitait. Celle qu’elle n’oserait plus, si elle pouvait revivre dans le passé, en connaissance de ce sombre destin.
Vous devriez avoir honte jusqu’au bout de votre vie d’avoir écrit autant de haine dans votre chanson car vous êtes un créateur et en tant que tel, vous avez des responsabilités.
Dans cette création précise “Sale pute”, vous avez insulté les femmes. Vous avez essayé de faire comprendre à la terre entière qu’un homme trompé peut devenir violent, très violent... mais ça, on le savait. Par contre, donner la parole à la violence conjugale en des termes aussi directs, c’est grave, infiniment grave.
Imaginez qu’un homme trompé écoute votre chanson. Il écoute, il écoute, il voit le clip. Les paroles lui ronge l’esprit, lui donne des idées. “Oui, la vengeance. Oui, lui faire mal. Oui, qu’elle en crève.” Hé bien oui, Monsieur Orelsan, le créateur a ce pouvoir de dynamiser l’esprit des gens, des écoutants, des admirateurs de son talent.
Si vous lisez cette lettre, je vous demande d’écouter ma demande : celle de retirer définitivement cette chanson d’internet et de tout lieu.
Au nom de toutes les femmes mortes, de tous les enfants assassinés par la folie d’un homme, un homme qui ne peut supporter qu’une femme, sa femme, le quitte. Un homme qui ne voit que la violence pour répondre, pour évacuer la souffrance qui le submerge. Qui ne voit que la destruction, que la mort.
Chloé Laroche
PS. Allez lire par curiosité ce que j'ai écrit dans la catégorie : "Quand l'amour dépasse l'entendement". En voici un extrait, texte que j'ai écrit le 16 juillet 2008 : J’ai déjà parlé dans un de mes articles des hommes qui tuent leurs enfants et leur femme suite à une séparation ou un divorce. C’est effarant comme la liste s’allonge... Dans ma région, à Bougé-Chambalud : trois enfants tués par leur père, lequel s'est suicidé ensuite, en 2006. À Saint Siméon de Bressieux : un informaticien isérois de 48 ans a tué les trois enfants de sa femme avant de se suicider. L’homme avait menacé de mort sa compagne, qui a réussi à s’enfuir et se réfugier chez des voisins. Quand elle a voulu revenir, la maison était en feu et ses enfants issus d’un premier lit (5, 6, 17 ans) tués par balle. Le meurtrier a épargné le bébé de 18 mois dont il était le père. Aux Abrets en 2006 : Nicolas, 10 ans, tué par son ex-beau-père, lequel voulait se venger de la mère de l’enfant.... . Antoine a été retrouvé dernièrement flottant entre deux mondes, après avoir été jeté sciemment dans un lac par un homme qui avait “aimé” sa maman, petite Anne aide soignante, retrouvée morte assassinée, baignant dans son sang et frappée à mort par son ex-compagnon. En janvier 2008, un homme s’est défenestré, à Metz, avec le fils de sa compagne âgé de deux ans, suite à une rupture... Maxime Giasson Saint-Hilaire, 7 ans, a été abattu d’un coup de fusil de chasse le 27 septembre 1998 à Montmagny, au Québec, par son père adoptif, Pascal Giasson, 23 ans, quelques semaines après sa séparation d’avec la mère de l’enfant. Quelques jours plus tard, au Québec, le 30, par influence probable du drame précédent.... Myriam Chrétien, 6 ans, et Audrey, 3 ans, ont été abattues à coups de fusils de chasse à Hull par leur père René Chrétien, 32 ans. Celui-ci “bénéficiait de la garde alternée et est passé les chercher à une date indue, à l’école et à la garderie, soi-disant pour les amener en camping”.
Juste ces mots car ce serait trop long, vraiment.
La liberté de l'un s'arrête là où commence celle de l'autre.
Bravo pour cette lutte. J'avais signé la pétition, via un billet chez Houp-là la pâquerette!
Je souhaite à ce truand de gouter à ces remèdes. Tous ses remèdes.
Zed Blog