Femmes dans la guerre
Par Olympe le jeudi 25 septembre 2014, 21:23 - Lien permanent
Le dossier du numéro de septembre de la
revue L'Histoire porte sur les femmes dans le système nazi.
Je ne peux pas résumer ces 24 pages en quelques lignes, mais je veux partager des réflexions qu'il m'a inspirées.
On savait déjà que la place des femmes dans les guerres n'avait, jusqu'à une période récente, pas été étudiée et elles ne sont généralement décrites, quand elles le sont, uniquement en tant que victimes.
Pourtant, si les soldats étaient des hommes de nombreuses femmes se déplaçaient avec les armées, cantinières, prostituées, voire épouses.
Et quand on cherche, on trouve. Récemment, par exemple, l'étude de restes vikings en Angleterre a montré que des femmes y étaient bien présentes (lien en anglais), confirmant ainsi d'autres études sur ce thème (lien en français) : il y avait bien des guerrières Vikings ! De quoi remettre en cause l'image de hordes de grands blonds barbus envahissant le Nord de l'Europe.
Le rôle des femmes dans l'Allemagne nazi n'avait donc jamais été étudié. On en connaissait quelques unes jugées après guerre mais elles faisaient figure d'exceptions perverses et on n'avait pas manqué d'insister sur leur éventuelle beauté en opposition totale avec la noirceur de leur âme où leurs comportements sexuels dépravés. Le porno nazi fut d'ailleurs un genre florissant dans les années 70 mettant en scène des gardiennes de camp de concentration encore plus souvent que des gardiens.
Et pour ce qui est du rôle de victimes j'ai été surprise d'apprendre que la question des viols commis par des soldats soviétiques sur les allemandes n'a jamais été étudiée. On ne sait même pas combien sont concernées puisque les chiffres oscillent entre 100 000 et 800 000 femmes violées rien qu'à Berlin !
C'est grâce aux archives récupérées en Allemagne de l'Est que les historiens ont pu s'intéresser au rôle des femmes dans le nazisme.
Les femmes gardiennes des camps
Elles sont peu nombreuses à avoir joué un rôle actif dans le système : 35 000 à participer aux institutions des pays occupés , 3 500 surveillantes SS dans les camps de concentrations, 500 000 si on y ajoute les femmes des colons installés à l'Est.
Le dossier s'attache plus spécifiquement aux femmes surveillantes dans les camps. Elles s'y sont montrées tout aussi cruelles que les hommes. Quelques particularités sont notables :
- toutes n'étaient pas volontaires, une partie d'entre elles étaient là au titre du service du travail obligatoire (le pendant du service militaire des hommes).
- les femmes cultivées étaient employées dans l'administration, les SS ciblaient pour les postes de surveillantes des femmes, plutôt jeunes, de milieux modestes et n'ayant pas dépassé le stade de l'école obligatoire. Leur salaire était bien supérieur à ce qu'elles pouvaient espérer dans une usine et elles bénéficiaient subitement d'une position sociale puissante, confortée par le port de l'uniforme. "Membres de classes populaires dominées elles se voyaient incluses dans une élite politique établie selon des critères raciaux" nous dit-on. De quoi faciliter leur adhésion.
- elles se retrouvaient en fait souvent dans une position précaire puisqu'elles pouvaient n'être que quelques dizaines pour plusieurs milliers de prisonnières. Pour tout individu, la violence devient rapidement dans ce cas le moyen de conforter sa suprématie.
- cette violence permet également d'affirmer sa place au sein même du personnel, par rapport aux autres surveillantes et vis à vis des cadres, qui eux sont masculins. Il semblerait même que les surveillants hommes et femmes ont systématiquement augmenté leurs violences en présence de collègues de sexe opposé. Il s'agissait non seulement d'intimider les détenus, d'impressioner ses collègues, mais aussi de légitimer sa place envers ceux de l'autre sexe. C'est à dire pour les hommes de prouver leur virilité, et pour les femmes de démontrer qu'elles pouvaient faire preuve d'autorité.
Les autres femmes
Mais il est tout aussi important d'étudier le rôle joué par toutes les autres femmes, celles qui sont restées sur place. Parce qu'un peuple est composé moitié d'hommes et moitié de femmes et si les hommes sont aux commandes, exerçant souvent une violence sur les femmes, elles sont aussi leurs mères, leurs épouses, leurs filles et participent à l'idéologie ambiante. Elles sont un peu évoquées dans ce dossier.
Les femmes avaient le droit de voter en Allemagne depuis 1919, et contrairement à ce qui est souvent observé (un vote sensiblement différent) elles ont voté pour les nazis dans la même proportion que les hommes et en tant qu'institutrices, puéricultrices, infirmières, secrétaires etc... elles sont devenues tout autant que les hommes des vecteurs de l'idéologie nazie.
Il se trouve que j'ai suivi récemment un MOOC (Cours en ligne) de l'Université de Princeton dont le thème est "Les paradoxes de la guerre" (que je vous recommande vivement, en plus ça permet de faire de gros progrès en anglais). Un chapitre est consacré au rôle des femmes.
Selon le professeur Miguel A Centeno; la guerre est évidemment une activité masculine. L'hypothèse biologique voudrait que la testostérone, beaucoup plus présente chez les hommes, engendre naturellemnt cette violence, mais si l'on considère la guerre comme un acte social on observe qu'elle est en parfaite coïncidence avec ce qui est attendu des 2 genres. La virilité passe par la démonstration qu'on est capable de se battre, alors que la violence des femmes est un sujet tabou. Lorsque des femmes sont engagées dans des guerres elles sont confinées dans la marginalité.
Certaines théories font même l'hypothèse que si ce sont les hommes qui font la guerre c'est parce qu'ils sont moins indispensables à la reproduction de l'espèce puisqu'ils suffit qu'il en reste quelques uns. (C'est un professeur de Princeton qui le dit).
Mais les femmes se voient assignés différents rôles dans la guerre, qu'en général elles assument
Celui d'envoyer les hommes au front
Celui de représenter ce pour quoi l'on se bat, elles deviennent en quelque sorte la justification de la guerre.
Celui de les soutenir
Pour savoir comment les femmes qui vont au front le vivent vous pouvez lire ce magnifique livre dont j'ai déjà parlé "La guerre n'a pas un visage de femme"
Commentaires
Merci Brigitte pour cet article ! Cela m'a fait penser au livre "Der Vorleser", "Le liseur", ce roman de Bernhard Schlink adapté au cinéma récemment avec Kate Winslet, qui témoigne justement du parcours d'une ancienne gardienne de camp des classes populaires.
A bientôt