Marissa Mayer, nommée directrice de Yahoo cet été vient d'accoucher.
Cette nomination, alors qu'elle était enceinte avait fait couler beaucoup
d'encre sur le thème "est ce vraiment compatible?", d'autant plus que quelques
jours avant Anne Marie Slaugher, une proche collaboratrice d'Hillary Clinton
avait renoncé à son poste au motif qu'il exigeait le sacrifice de sa vie de
famille.
Marissa Mayer a
prévu, selon Yahoo, de continuer à travailler à distance et elle
envisage de revenir au bureau aussi vite que possible (dans 1 ou 2
semaines).
De nombreuses voix s'élèvent semble-t-il pour critiquer ce choix.
En 2009 j'avais trouvé que Rachida Dati prenait un risque en assistant à une
audience solennelle de la Cour de Cassation 5 jours après son accouchement par
césarienne. L'une des raisons en était que le comportement de ces femmes,
scruté par tous, constitue de fait sinon un modèle, du moins un exemple.
Si elle peut le faire pourquoi pas vous ? En ce sens c'est fort dommageable
pour toutes les femmes à qui des employeurs pourraient reprocher de prendre
l'intégralité du congé maternité au motif que d'autres y arrivent bien
autrement.
En préalable, on peut remarquer une fois de plus que la question ne
se pose jamais pour les hommes, qui ont eux aussi des bébés. Quelqu'un
a prêté attention à la naissance de la fille de Jean-François Copé en 2010,
s'est demandé combien de temps il s'était arrêté ?
La question s'était posée pour Tony Blair en 2000. Il
avait laissé entendre qu'un congé paternité était envisageable. Il n'en a
rien été. Et quand David Cameron a pris 2 semaines en 2010 on
a crié à l'exploit .
Mais je trouve surtout que la façon dont les médias traitent le sujet
reste très 20eme siècle. Comme si la vie était binaire : soit on est à la
maison et on vaque à des occupations privées, soit on est au travail et... on
travaille.
Du point de vue professionnelle madame Mayer occupe un poste
important et, qui plus est, depuis peu. Ce qui signifie
concrètement qu'elle a du commencer à mettre en oeuvre de nouvelles stratégies
et impulser des dynamiques. Le genre de job qui exige de suivre de très prés
l'évolution des projets, mais aussi de rester vigilante sur leur appropriation
par les équipes, l'état d'esprit des collaborateurs, etc. Impossible dans ces
conditions de tout laisser pendant plus de quelques semaines.
D'un point de vue privé elle vient d'avoir un bébé. Passons
sur le fait qu'elle a vécu une grossesse et un accouchement qui nécessitent un
temps de repos physique et admettons qu'elle sait si elle est suffisamment
remise. Passons sur le fait que l'arrivée d'un enfant amène à réorganiser
toutes les journées (et aussi les nuits) des parents et que c'est épuisant. Je
suppose qu'elle a les moyens de rémunérer une armée de personnes pour faire le
ménage, la cuisine, les courses etc.
Mais a-t-elle aussi envie de leur confier les soins du bébé ?
La situation de Marissa Mayer est par certains coté exceptionnelle, mais
elle est emblématique. Toutes proportions gardées, elle est celle de la plupart
des femmes cadres qui appréhendent de laisser un travail dans lequel elles ont
beaucoup investi . Même si elles peuvent de plus en plus espérer (quoique...)
que leur carrière n'en sera pas pénalisée, elles n'ont pas envie de planter là
des projets qui leur tiennent à coeur. D'autant plus que, l'entreprise
étant ce qu'elle est, elles ne sont pas toujours certaines que personnes n'en
profitera pour leur chiper quelques prérogatives.
Alors ?
Au 20eme siècle elle aurait du effectivement se rendre à son travail tous
les jours, mais aujourd'hui elle peut quasiment tout faire de chez
elle, quand son bébé dort ou est dans les bras de son papa. Elle peut
: étudier ses dossiers, rédiger des notes, échanger en conférences vidéo
avec 1 ou plusieurs personnes, répondre à ses collaborateurs qui ont besoin de
son avis ou d'une décision.
Et si elle doit absolument rejoindre son entreprise où participer à une
manifestation extérieure elle peut aussi amener son fils. Comme le font les
eurodéputées. Pourquoi seraient-elles les seules à avoir cette possibilité
?

Ce n'est pas possible pour tous les métiers, certains nécessitent d'être
présents.
Pourtant depuis toujours les femmes professions libérales, commerçantes,
artisanes ont bricolé des solutions car même si elles ont des droits à congés
elles peuvent avoir peur de perdre leur clientèle.
D'autres inventent des métiers qu'elles peuvent exercer chez elles. Et elles
y arrivent même si elles sont souvent regardées avec condescendance et sans
avoir les facilités financières dont bénéficie la directrice de Yahoo. On les
trouve par exemple chez les Mampreneurs qui veulent prouver
"qu'il n'y a pas de choix à faire entre élever ses enfants et réussir en
affaire".
Il reste aux entreprises et au droit du travail à prendre en compte ces
besoins et à inventer de nouvelles formules de congés maternité et paternité
qui permette une continuité de l'activité sans pénaliser les jeunes parents. Il
ne s'agit pas de renoncer à ses droits à congés mais de les gérer différemment
par exemple plus longs mais en pointillés, ou un droit de tirage valable
sur une période plus étendue. La possibilité d'amener son enfant à proximité de
son lieu de travail (crèche ou autres).
Et ça reste valable bien après les premières semaines des enfants.