".
Ce manifeste me fait le même effet que le visionnage de leurs vidéos : il
m'agace ! et les vidéos me mettent mal à l'aise. En même temps je dois bien
reconnaitre qu'elles réussissent comme personne à mettre le focus sur des
questions qui ne sont jamais abordées par les médias grand public.
Je crois, si j'en juge par les innombrables articles que j'ai lu sur elles,
que c'est là l'une de leur force. Elles ne s'adressent pas à l'intellect, mais
jouent avec les émotions, toutes sortes d'émotions : l'énervement, le rejet, le
frisson de la peur, l'enthousiasme, l'excitation face au combat et, pour les
hommes, l'émoi de contempler de beaux corps.
Elles agacent tout le monde, hormis les photographes et les pigistes qui
trouvent grâce à elles la possibilité de faire facilement des photos forcément
esthétiques et des articles vendeurs. (je le sais, leurs photos que j'avais
mises ici avant le raz de marée actuel m'ont rapporté nombre de visites)
Elles agacent beaucoup de féministes , et comme le dit très bien;l'une
d'elles sur son blog "leur problème, c’est l’arrogance qu’elles
mettent à vouloir nous faire croire qu’elles sont à l’avant-garde du féminisme
et même les seules féministes intéressantes. Pourtant, elles ne sont qu’une
composante un peu simpliste, visuelle et provocante, d’un mouvement bien
vivant, qui fort heureusement à bien d’autres cordes à son arc !"' . On
peut effectivement leur reprocher "le mépris affiché envers les mouvements
féministes français et étrangers".
Elles agacent aussi, parceque si on peut penser "que les actions
provocatrices des FEMEN ne sont pas nouvelles, elles aussi seront bientôt
confrontées au problème insoluble de l’activisme : rester dans la surprise de
la nouveauté tout en créant des images coups de poing qui interpellent, une
nouveauté chasse l’autre et les médias sont versatiles. Privilégier la
communication au détriment du fond n’a pas que des avantages. L’exemple
d’Act-Up ou d’autres groupes est à ce point édifiant" (blog précédemment
cité).
A cet égard la lecture de leurs exigences ne peut que laisser dubitatifs :
le renversement politique immédiat de tous les régimes dictatoriaux avec comme
unique arme des seins ! Je me demande ce que peuvent en penser les femmes qui
vivent dans ces pays là. Et à cet égard l'une des critiques qui leur ai le plus
souvent faite est de mener des actions dans des pays où justement elles ne
risquent pas grand chose. Critique que je trouve fondée.
Mais elles n'agacent pas que des féministes, leurs dernières prestations, et
notamment celle qu'elles
ont menée à Notre Dame de Paris ont suscité des réactions épidermiques de
tous cotés.
2 exemples, les billets de 2 personnes assez connues que je lis
régulièrement et que je prenais pour des hommes mesurés m'ont frappés par leur
virulence et surtout ce qu'ils y mettaient de personnel.
Celui de Bruno Roger-Petit qui, avec des trémolos dans le clavier nous
explique que "les églises sont des lieux qui commandent le respect, quoi
que l'on pense de l’Église, parce qu'elles sont le dépositaire d'une histoire
commune, le lien qui relie des hommes à leur passé et à leurs
ancêtres. Qui visite la Basilique de Vézelay sans être ému par la lumière
qui irradie la place mérite d'être réincarné en Femen."
Celui
de Philippe Bilger, ancien magistrat de renom, qui conclut son billet ainsi
"Quelle misérable époque qui s'esbaudit face à l'intelligence ainsi
pervertie, à la révolte ainsi dévoyée et à la féminité ainsi dégradée
! Mais je persiste en oubliant les Femen : le sexe est beaucoup plus
important qu'on le dit. "
On dirait que le seul fait que des femmes a moitié nues puissent s'agiter et
faire du bruit en des circonstances incongrues déstabilise profondément leur
vision du monde, et surtout des femmes. j'aimerais savoir ce qu'est la féminité
(non dévoyée) selon Philippe Bilger.
En tout cas on peut reconnaitre que leur objectif de "trolling de
diversion" est largement atteint.
Les trolls ce sont ces internautes qui commentent sur les réseaux sociaux de
façon agressive et simpliste . Radicalisant n'importe quel débat et entrainant
ceux qui les prennent au sérieux et leur répondent à atteindre très rapidement
un point Godwin. Personnellement je déteste les trolls et cette façon de
discuter qui ne fait jamais avancer les choses et renvoie chacun à la
périphérie des débats. Mais lorsque l'on estime que le temps du débat est
passé, qu'il n'est plus utile, comme le pensent les Femen qui refusent toute
compromission avec le patriarcat, le trolling est effectivement adapté en cela
qu'il aboutit, comme elles le souhaitent, à provoquer le conflit, à forcer
l'adversaire à démontrer sa vraie nature et à le miner.
Mais qu'on-t-elles donc ainsi démontré, qu'on ne savait pas déjà ?
- que la Russie et l'Ukraine étaient des pays où la liberté d'expression
restait pour le moins limitée ? Elles ont, semble t-il, pris de vrais risque
là-bas.
- que les médias en France cherchaient d'abord à faire du buzz et surfaient
sur l'écume des choses dans l'espoir d'augmenter la quantité de lecteurs ?
- que la violence, y compris faisait partie du code génétique du
mouvement Civitas ?
- que se dénuder (en partie) et crier dans une église était un acte qui
suscitait beaucoup plus de réprobation que se dénuder devant un palais de
justice ?
- que de jolies filles aux seins nus attirent les appareils photos comme le
sucre attire les mouches ?
- qu'en France ou en Italie on peut faire ce type d'action sans risquer
d'être mises en examen ?
Rien de tout cela n'est nouveau. En fait, ce qu'elles démontrent de
façon magistrale et qui reste vraiment intéressant est le fait que
crier et prendre des poses de guerrières apparait comme anormal
pour des femmes et se révèle très déstabilisant pour plein de gens.
En fin de compte, le seul argument convaincant en leur faveur que j'ai
entendu venait de Lilianne Kandel lors de la soirée "8 mars tout l'année"
organisée par le Ministère du droit des femmes . Pour elle les Femen sont les
héritières des féministes de 68. Et elle a dit cette phrase que j'ai essayé de
bien noter "les énervées déplacent le curseur pour toutes les
autres". C'est à dire que si beaucoup de femmes vont se dire "non,
mais là elles exagèrent", elles concluront cependant que "quand même,
sur certains points elles n'ont pas tort".
Alors bon, si elles contribuent à déplacer le curseur...
Parmi les innombrables billets parus sur le sujet vous pouvez lire plus
particulièrement ceux-ci :